Les 7 planètes rocheuses de TRAPPIST-1 ont-elles la même composition ?

L'étoile TRAPPIST-1 abrite le plus grand groupe de planètes de la taille de la Terre jamais trouvé en dehors de notre système solaire. Une étude internationale, à laquelle participent des chercheurs des universités de Berne, Genève et Zurich, démontre aujourd’hui que les exoplanètes ont des densités remarquablement similaires, fournissant de nouveaux indices sur leur composition.

Découvertes en 2016 à une quarantaine d'années-lumière de la Terre, les sept exoplanètes en orbite autour de l'étoile Trappist-1 offrent un aperçu de l'immense variété des systèmes planétaires qui peuplent probablement l'Univers. Comme le rapporte le laboratoire Jet Propulsion (JPL) de la NASA dans un communiqué de presse publié aujourd'hui, une nouvelle étude publiée dans le Planetary Science Journal démontre que les planètes ont des densités remarquablement similaires. Des chercheurs des universités de Berne, Genève et Zurich, tous membres du Pôle de recherche national PRN PlanetS, participent également à l'étude.

Un système idéal pour les observations

En 2018, des astronomes dirigés par Simon Grimm de l'Université de Berne, également impliqué dans l'étude actuelle, ont fourni le calcul le plus précis à ce jour des masses des sept planètes orbitant autour de l'étoile TRAPPIST-1. Ces calculs ont permis de déterminer que les planètes ont approximativement la taille et la masse de la Terre et doivent donc être également rocheuses ou terrestres – par opposition aux planètes dominées par le gaz, comme Jupiter et Saturne.

Depuis la détection initiale en 2016 des mondes de TRAPPIST-1, les scientifiques ont étudié la famille de planètes à l'aide de plusieurs télescopes spatiaux et terrestres. Géré par le JPL de la NASA en Californie du Sud, le télescope spatial Spitzer, par exemple, a fourni plus de 1’000 heures d'observations ciblées du système avant d'être mis hors service en janvier 2020. « Les nouvelles observations nous ont permis d'utiliser des données de transit sur une période beaucoup plus longue que celle dont nous disposions pour les calculs de 2018. Avec les nouvelles données, nous avons pu affiner les déterminations de masse et de densité des sept planètes, et il s'est avéré que les densités dérivées des planètes sont encore plus similaires que ce que nous avions évalué auparavant, » explique Simon Grimm. Ce résultat montre également combien il est important d'observer de tels systèmes exoplanétaires sur plusieurs années, » ajoute-t-il.

« Le système TRAPPIST-1 est fascinant car autour de cette étoile unique, nous pouvons étudier la diversité des planètes rocheuses au sein d'un seul système. Et nous pouvons aussi en apprendre davantage sur une planète en étudiant ses voisines. Ce système est donc une aubaine, » déclare Caroline Dorn, astrophysicienne à l'Université de Zurich et co-auteure de l'article.

Sept planètes de densité similaire

Dans notre propre système solaire, les densités des huit planètes sont très variables. Les géantes gazeuses, dominées par les gaz – à l’instar de Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – sont plus grandes, mais beaucoup moins denses que les quatre planètes terrestres que sont la Terre, Vénus, Mars et Mercure. Les sept planètes TRAPPIST-1, en revanche, partagent toutes une densité similaire, ce qui rend ce système très différent du nôtre.

Le fait que les planètes TRAPPIST-1 partagent une densité similaire pourrait signifier qu'elles contiennent toutes à peu près la même proportion de matériaux, que l'on pense être ceux qui composent la plupart des planètes rocheuses, comme le fer, l'oxygène, le magnésium et le silicium. Comme elles sont environ 8% moins denses que notre planète, la composition des planètes TRAPPIST-1 doit être sensiblement différente de celle de la Terre. Sur la base de cette conclusion, les auteurs de l'article ont émis une hypothèse sur le mélange de constituants qui pourrait donner aux planètes TRAPPIST-1 cette densité spécifique.

L'eau et le fer comme explications possibles

Les astronomes ont notamment cherché à savoir si la surface des planètes pouvait être recouverte d'eau, ce qui en modifierait la densité globale. « En combinant les modèles de l'intérieur des planètes construits par l'Université de Berne et par l’Université de Zurich avec les modèles de l'atmosphère planétaire que nous développons à l'Université de Genève, nous avons pu évaluer la teneur en eau des sept planètes TRAPPIST-1 avec une précision sans précédent pour cette catégorie de planètes, » explique Martin Turbet, astrophysicien à l'Université de Genève et co-auteur de l'étude. L’écart de densité entre les planètes TRAPPIST-1 et la Terre pourrait en principe s’expliquer par la présence d’eau à hauteur d’environ 5% de leur masse totale. En comparaison, l'eau représente moins de 0.1% de la masse totale de la Terre. « Cependant, nos modèles de structure interne et atmosphérique montrent que les trois planètes intérieures du système TRAPPIST-1 sont probablement sans eau, et que les quatre planètes extérieures n'ont pas plus de quelques pourcents d'eau, peut-être sous forme liquide, à leur surface, » continue Martin Turbet.

Eric Agol, astrophysicien à l'Université de Washington et auteur principal de la nouvelle étude, ajoute que toutes les planètes sont en effet susceptibles d'avoir une teneur en eau assez faible (probablement moins de quelques pour cent) car sinon, ce serait une coïncidence que les sept planètes aient juste assez d'eau présente pour avoir des densités aussi similaires.

Une autre façon d'expliquer cette densité plus faible est que les planètes TRAPPIST-1 ont une composition similaire à celle de la Terre, mais avec un pourcentage de fer plus faible – environ 21% par rapport aux 32% de la Terre. Le fer des planètes TRAPPIST-1 pourrait aussi être infusé avec des niveaux élevés d'oxygène, formant de l'oxyde de fer ou de la rouille. L'oxygène supplémentaire diminuerait alors la densité des planètes. La surface de Mars tire sa teinte rouge de l'oxyde de fer, mais comme ses trois frères et sœurs terrestres la Terre, Vénus et Mercure, elle possède un noyau composé de fer non oxydé. En revanche, si la densité plus faible des planètes TRAPPIST-1 était entièrement due au fer oxydé, alors les planètes devraient être rouillées de part en part et ne pourraient pas avoir de noyau de fer.

Eric Agol explique : « La densité plus faible pourrait être causée par une combinaison des deux scénarios – moins de fer globalement et un peu de fer oxydé. Dès lors, elles pourraient contenir moins de fer que la Terre et un peu de fer oxydé comme à la surface de Mars. »

« Le ciel nocturne est rempli de planètes, et ce n'est que depuis 30 ans que nous avons pu commencer à percer leurs mystères, notamment pour déterminer l'habitabilité de ces planètes, » conclut Caroline Dorn.

Le système TRAPPIST-1

Les deux premières planètes confirmées dans le système TRAPPIST-1 ont été identifiées en 2016 par le petit télescope TRAPPIST (Transiting Planets and Planetesimals Small Telescope) au Chili. Les observations ultérieures par Spitzer et les télescopes au sol ont montré que le système compte sept planètes.

Les sept exoplanètes ont été trouvées par la méthode de transit : cela signifie que les scientifiques ne peuvent pas voir les planètes directement (elles sont trop petites et trop faibles), ils cherchent donc des creux dans la luminosité de l'étoile créés lorsque les planètes passent devant elle.  

Les observations répétées des creux de luminosité de l'étoile et les mesures précises de la synchronisation des orbites des planètes ont permis aux astronomes d'effectuer des mesures précises des masses et des diamètres des planètes, qui ont à leur tour été utilisées pour calculer leurs densités.

Informations sur la publication :

Eric Agol et al.: Refining the transit timing and photometric analysis of TRAPPIST-1: Masses, radii, densities, dynamics, and ephemerides. Planetary Science Journal.
https://arxiv.org/abs/2010.01074
https://doi.org/10.3847/PSJ/abd022

22.01.2021